Décès d’Edouard Salustro
"C'est mon ami et c'est mon maître".
Article de Jean-Louis Mullenbach - Associé du cabinet Bellot Mullenbach & Associé.
Tiré de La Profession Comptable, 2 janvier 2014
Edouard Salustro était notre père, notre frère, notre ami. Et il va terriblement nous manquer. il fait partie des personnalités derrière lesquelles on a envie de courir, pour les rattraper, les empêcher de partir si vite, leur faire comprendre que c’est trop tôt, beaucoup trop tôt. Certes il allait avoir 84 ans le 20 décembre prochain et, comme à chacun de ses anniversaires, nous avions prévu de déjeuner ensemble autour d’une bonne table parisienne. Même si nous nous inquiétions pour sa santé, il était toujours très actif et avait une présence si forte et faisait preuve d’une telle autorité que nous avions fini par oublier qu’il était mortel.
Aujourd’hui, il nous faut parler d’Edouard au passé. Il était de ceux qui sont irremplaçables. Nous allons désormais devoir faire sans lui, sans savoir d’ailleurs comment nous y prendre. Je ne peux m’empêcher d’évoquer ici la relation exceptionnelle dont j’ai bénéficié pendant plus de 35 ans. Pour tous ceux, nombreux, qui ont eu le privilège de travailler auprès de lui, notamment les jeunes auxquels il aimait transmettre, il a été un extraordinaire mentor. Il nous a honorés de sa confiance. Nous en sommes fiers et n’oublierons jamais son exemple et le sillon qu’il a tracé.
Il était un patron pugnace et exigeant, qui nous appris le goût du travail bien fait et bien restitué, la nécessité de l’indépendance et le sens de l’éthique. Nous partagions avec lui un sentiment d’appartenance et de confiance, base de l’épanouissement dans le travail. Il a ouvert l’esprit et profondément marqué tous ceux qui ont participé à l’aventure professionnelle du Cabinet Salustro et à son action au CSO (Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables), au CES (Conseil économique et social), à la FEE (Fédération européenne des experts-comptables) et à la FIDEF (Fédération internationale des experts-comptables francophones).
Par son charisme et son ascendant, il approchait au plus près les grands dirigeants politiques et d’entreprises de notre pays, qu’il séduisait par une empathie naturelle et par un verbe lumineux, qu’il ne maniait comme personne. Meneur d’hommes et capable de soulever des montagnes, d’avoir des fulgurances étonnantes, il apportait de la culture à ses interlocuteurs, du recul, de l’imagination et une façon positive et simple de régler les problèmes les plus ardus. Encore fallait-il ne pas trop s’opposer à lui et faire confiance à son instinct et à son expérience !
Ce comportement professionnel s’accompagnait d’un tempérament chaleureux et tolérant, pratiquant le meilleur des humours et toujours attentif aux autres. Il nous avait honorés de sa présence lors du mariage de notre fils aîné en juillet dernier et lors de notre propre mariage 35 ans plus tôt. Il m’avait également fait Chevalier de l’Ordre National du Mérite en début d’année, et communiqué à cette occasion son enthousiasme pour les vraies valeurs de la vie. Ce qu’il nous donnait surtout, c’était du pur bonheur et des étincelles d’esprit qui nous enchantaient. Il apportait à sa famille, à laquelle il était particulièrement attaché, et à ses amis, amour et joie de vivre. A son contact tout se positivait, les problèmes se relativisaient et finalement tout pouvait s’arranger dans la bonne humeur générale.
Humaniste, homme de conviction, d’énergie, de courage et de dévouement au service de sa profession et de l’action collective, il a marqué durablement nos institutions. Par ses actes et ses valeurs, il a profondément modernisé notre communauté professionnelle. Étonnant d’audace, il ne craignait pas de bouleverser les habitudes de sa profession, au risque de heurter. Nous perdons un grand professionnel et un ami, mais nous conservons un modèle et prolongerons son ambition. Nous imaginons le chagrin de sa famille et essayons de le partager. Nous sommes tous profondément tristes, mais fiers d’avoir suivi un bout de chemin avec lui et d’avoir tant reçu.
Merci Edouard pour la leçon de vie que vous nous avez donnée. N’oubliez pas de veiller un peu sur nous… Adieu l’Artiste