Æquido News Mars 2016 – Projet de réforme du marché du travail
Les PME une fois de plus pénalisées.
En rompant avec les tabous immobilistes de ceux qui s’accrochent à un système social devenu fondamentalement injuste, l’avant-projet de loi El Khomri avait fait naître beaucoup d’espoirs chez les chefs d’entreprise en attente d’une réforme structurelle du marché du travail dans notre pays.
Alors que les jeunes et les moins qualifiés sont les premières victimes d’un chômage endémique, ils ont été embrigadés, faute de pédagogie de la réforme et de concertation, par des syndicats et des élus qui ont joué l‘Etat contre l’entreprise, la loi contre les accords, les accords de branche contre les accords d’entreprise, les fonctionnaires et les personnels sous statut contre les salariés du secteur privé et les CDI contre les CDD.
Depuis la mise en place de la rupture conventionnelle en 2008, les contraintes sur le licenciement n’ont cessé de s’alourdir, alors que tous nos voisins ont flexibilisé leur marché du travail et vu parallèlement leur chômage réduire de façon significative. L’environnement économique, social, fiscal et financier devient structurellement défavorable aux PME. Le chef d’entreprise français vit fondamentalement deux risques, celui de son entreprise dans un pays peu compétitif et en croissance fragile et celui de sa capacité à s’adapter rapidement si la situation de l’entreprise se détériore. La nouvelle mouture de la réforme du droit du travail pénalise particulièrement les PME dans la mesure où elle renonce à trois mesures clés pour cette catégorie d’entreprises :
- Le texte initial instaurait un plafond des indemnités que les employeurs doivent verser en cas de licenciement jugé abusif par les prud’hommes. Ces indemnités étaient forfaitisées en nombre de mois de salaires en fonction de l’ancienneté des salariés, rendant ainsi le coût d’un licenciement abusif prévisible. La nouvelle version du texte fait machine arrière en se contentant de donner au conseil des prud’hommes un caractère « indicatif » au barème ainsi établi. Le pouvoir d’appréciation du juge demeure donc, étant rappelé que 70% des jugements de première instance vont en appel et que 70% des appels réforment les jugements prud’homaux. D’où des procédures longues et une absence totale de visibilité pour le chef d’entreprise sur le coût final d’un licenciement, expliquant qu’aujourd’hui seulement 13% des embauches se font en CDI. Limiter les risques à la sortie aurait pourtant permis d’abaisser les barrières à l’entrée, et donc de réduire la précarité et de favoriser les embauches.
- Le texte d’origine prévoyait égalemnt que les chefs d’entreprise de moins de 50 salariés, où les syndicats sont peu présents, puissent recourir aux forfait jours (décompte du temps de travail en jours, et non pas en heures) par accord individuel avec le salarié, même en l’absence d’accords collectifs. La nouvelle mouture du texte rétablit la nécessité d’un accord : dans les sociétés dépourvues de représentants du personnel, c’est un salarié mandaté par une organisation syndicale extérieure qui négociera avec le chef d’entreprise, difficilement concevable pour un patron de PME épris de liberté ! Autre option possible, appliquer un « accord-type » élaboré au niveau de la branche.
- La loi fixe actuellement le repos quotidien à 11 heures. Un salarié en astreinte appelé à travailler durant cette période dite de repos voit ensuite ces 11 heures reportées in extenso. L’avant-projet El Khomri modifiait ce calcul : le salarié aurait dorénavant droit au seul solde des heures de repos qui lui restaient à prendre avant d’intervenir dans le cadre de son astreinte. Par ailleurs, les cadres au forfait jours seraient autorisés à fractionner les 11 heures consécutives, en alternant quelques heures de travail et quelques heures de repos entre deux journées. La nouvelle mouture du texte supprime ces possibilités et revient à la loi actuelle.
Le texte, qui devrait être présenté au conseil des ministres le 24 mars, annihile le sens du projet initial qui donnait la possibilité aux chefs d’entreprise et aux salariés de pouvoir négocier, au niveau de l’entreprise, ce qui est bon pour son développement dans un climat de confiance partagé, susceptible de libérer l’investissement et l’embauche. D’autres mesures, comme la définition du licenciement économique, concernant davantage les grandes entreprises, sont par contre maintenues dans la version actuelle du texte. Dans cette affaire, les PME apparaissent comme les laissés pour compte de ce projet de réforme du marché du travail. Cela est d’autant plus fâcheux que l’économie patine à nouveau et que rien n’est fait sur le non respect de la loi sur les délais de règlement par les donneurs d’ordre.